Présentation du groupe
Le Groupe de Réflexion des LV du Fenua est composé d’une douzaine d’enseignants d’anglais, d’espagnol et de mandarin du second degré, d’établissement public et privé. C’est un groupe de développement professionnel basé sur l’expérimentation en classe et l’analyse en groupe, animé par la PFA des langues vivantes du DFCI et encadré par l’inspection pédagogique.
Cette année, le Groupe a travaillé sur la production orale en faisant émerger ses problèmes d’élèves (« ça fait honte », « je n’ai pas les mots »…) et ses dilemmes de profs (permettre un support écrit ou les laisser sans filet, faire participer un maximum d’élèves ou faire produire des phrases ou un discours plus long à un plus petit groupe, interrompre les échanges pour corriger ou laisser dire malgré les erreurs…). Les enseignants se sont interrogés sur leurs pratiques en classe et ont choisi d’expérimenter pour enrichir leur enseignement et surtout la production orale de leurs élèves. Ils vous livrent ici le fruit de leurs réflexions…
Témoignages de développement professionnel pour l’expression orale des élèves
« Le support visuel, ce déclencheur de parole ? » – M. Mahuta-Bernadino
Au lycée général, dans une classe assez calme, une enseignante s’interroge sur la prise de parole des élèves à partir d’une image inconnue en début de cours. S’interroger sur le positionnement stratégique d’une activité dans sa séquence amène parfois à repenser aussi la place de l’enseignant dans le cours…
Mots-clés : POEC, document inconnu, phases de cours, la place du professeur
« Parler devant tout le monde, ça fait honte ! » – Mmes Anania et Charles
Au collège, avec deux classes de 4ème très différentes, deux enseignantes expérimentent pour que tous les élèves prennent la parole sans crainte devant les autres…
Mots-clés : POEC, méthodologie, travail en îlots, modes d’évaluation
« Face au bac ou la peur d’être évalué à l’oral » – Mmes Ly Tsoi et Tepano-Tuke, M.Chenoux
Au lycée, des élèves du cycle terminal préparent un examen avec une méthodologie transférable à toutes les langues pour enrichir leur production orale sur des documents inconnus…
Mots-clés : POEC, interlangue, modes d’évaluation
« Des outils numériques au service de l’oral » – Mmes Moua et Luciani
Au lycée général et professionnel, des élèves inhibés à l’oral utilisent des outils numériques pour dépasser des obstacles phonétiques et améliorer leur prononciation…
Mots-clés : TICE, place de l’écrit, phonétique, autocorrection
« Situations ludiques pour une parole plus spontanée » – Mmes Rey et Vigouroux
Au collège, deux enseignantes créent des situations ludiques pour stimuler la prise de parole spontanée et le plaisir de s’exprimer en langue étrangère…
Mots-clés : le jeu, interactions orales
Articles : Comment développer l’expression orale?
La confiance en soi à l’oral
Ce thème nous intéressait particulièrement en raison du profil de nos élèves : en début d’année, il s’agissait d’élèves de 4ème qui refusaient de s’exprimer en anglais, et étaient pour certains, réfractaires à tout ce qui touchait à la langue. Ils n’étaient pas capables de composer à l’écrit une phrase simple, n’avaient par exemple pas la notion de sujet, et encore moins celle de pronoms personnels sujets. L’oral se résumait selon eux à répondre aux questions par un mot, ce qui constituait un signe de bonne volonté pour participer selon leurs critères.
Pour nous, la confiance en soi passe par l’acceptation des étapes : c’est un processus de longue haleine. En début d’année, nous avons d’abord souhaité accompagner ce profil d’élèves en faisant le choix de les guider beaucoup, quitte à délaisser l’idée de spontanéité. Des fiches d’aides lexicales ou/et grammaticales étaient mises à disposition des élèves en cas de besoin, mais également des paragraphes à trous pour ceux qui ne se sentaient pas assez en confiance. Nous avons aussi amorcé notre approche en acceptant d’eux de la lecture oralisée lors de leur premier passage devant la classe. Ainsi, ceux qui manquaient de confiance pouvaient se conforter grâce à leurs écrits. Certains de nos collègues ont décidé de dédramatiser la prise de parole en continu en les faisant passer devant un groupe d’élèves et non pas obligatoirement devant le groupe classe : pour les moins à l’aise, moins il y aura de « public », moins difficile sera ce premier passage oral. Pour cet exercice, le temps de préparation doit être réaliste, mais limité.
Cette première étape a été un succès : nous avons eu des élèves volontaires qui passaient avec leurs notes et pouvaient s’exprimer pendant environ 3 minutes. Notre objectif était atteint à ce stade : en leur offrant / imposant un modèle, nous avions une amorce.
En début d’année, une autre option envisagée par nos collègues de lycée pour obtenir cette confiance a été de créer des fiches méthodologiques qui seraient transposables à plusieurs supports et même à différentes langues vivantes tout au long de l’année. La même fiche en mandarin, espagnol et anglais a été proposée aux élèves de Terminale dans le cadre de leur préparation à l’oral. Ainsi, cet exercice a semblé plus faisable grâce à la répétition et à la transposition d’un même modèle : le « déjà vécu » a généré de la confiance et l’idée de « je sais faire ». Le format de ces fiches a revêtu un caractère important même si le même problème de cadrage et de guidage se posait.
Afin d’y faire face, dans un deuxième temps, nous avons cherché à augmenter la difficulté pour rendre les élèves plus autonomes à l’oral en diminuant la quantité de phrases sur lesquelles ils s’appuyaient à chacun de leur passage. Cette répétition d’un même type d’activités a eu lieu 3 ou 4 fois dans l’année avec une gradation dans l’autonomie : en fin d’année, les phrases devenaient idéalement des notes, voire un passage sans aucune aide écrite. Le bilan a été positif, car même si tous les élèves n’ont pas atteint cette étape, tous ont progressé à leur rythme : beaucoup d’élèves se portaient volontaires pour passer les premiers, et ce quel que soit leur niveau en anglais. Le contenu, s’il n’était pas toujours grammaticalement correct, était cependant compréhensible pour les professeurs comme pour les élèves. Enfin, nous avions des élèves plus assurés dans leur tenue à l’oral : le regard était plus direct, la voix portait davantage et la position du corps était plus droite.
Nos collègues de collège ont opté pour une approche totalement opposée, plus ludique, en faisant le choix de n’utiliser aucun écrit, ni avant, ni pendant, ni après le passage à l’oral, privilégiant de cette façon des échanges plus libres. Il s’agissait davantage d’interactions orales sous forme de jeux. Par exemple, les élèves maniaient des dés afin de construire des phrases en fonction du résultat. Des situations de la vie réelle telles que le marché étaient proposées au cours desquelles fruits et légumes en plastique étaient maniés ; ou encore des entretiens d’embauche. Le côté ludique et tangible des situations a permis de motiver les élèves, de même que le rire et les activités de groupe qui ont pu rassurer les élèves et les décomplexer.
D’autres collègues de lycée ont su créer de la confiance en soi en faisant attention au moment où les productions orales survenaient dans une séquence. Par exemple, choisir de traiter un document iconographique en seule phase d’anticipation comme déclencheur de paroles, ou choisir de l’exploiter plus en aval dans la séquence car le bagage lexical, grammatical et de niveau de réflexion est plus étendu. Dans ce cas, c’est bien le moment où apparaissait la prise de paroles qui a permis de mettre les élèves plus en confiance.
S’agissant de mettre l’élève en confiance, nous avons également réfléchi au traitement de l’erreur en production orale et comment les autres élèves auditeurs y réagissaient. Grâce à la réflexion et l’expérimentation de nos collègues de lycée, nous avons constaté que permettre à l’élève de s’enregistrer pour s’écouter seul l’aide à poser son propre diagnostique sur son niveau à l’oral. D’autre part, relever une erreur n’est pas nécessairement le seul apanage du professeur : dans le groupe classe ou un groupe de travail restreint, elle est perçue non plus comme une erreur, mais comme une aide des camarades, formulée plus simplement, pour améliorer sa présentation. Cela permet aussi d’occuper les auditeurs pendant une prise de parole en continu. Ainsi lorsqu’une erreur est relevée, elle peut être perçue comme un défi futur à relever, et non comme une insuffisance. Se montrer actif en écoutant ses camarades prendre la parole a également permis de rassurer les autres élèves : ils assistaient à leurs difficultés, et intégraient, consciemment ou pas, que l’oral n’est pas un exercice facile ni un exercice inné. De plus, les élèves les plus à l’aise à l’oral, qui sont généralement volontaires pour passer les premiers, ouvraient des pistes de réflexion et des structures grammaticales pour aider les suivants. Dans l’ensemble, en rendant les auditeurs plus actifs, nous n’avons jamais eu à reprendre des élèves qui écoutaient leurs camarades sur leur manque de respect. Les remarques faites à la fin de chaque intervention étaient souvent constructives et visaient à mettre en avant les points forts de l’élève qui s’exprimait. La confiance a aussi été gagnée parce que le regard du groupe sur la performance orale était une aide, et non une honte.
« Valérie Charles et Marianne Anania »
Face au bac ou la peur d’être évalué à l’oral
Nous avions tous les trois une classe de terminale en commun. Avec l’attestation de langue qui avait été remise au bac pour les LVA et LVB, il nous a semblé important de se pencher sur la question de l’expression orale en fin de cycle terminal.
La classe que nous avions en commun avait la particularité d’être très timide à l’oral. Des élèves très scolaires et qui avaient toujours besoin de l’écrit pour s’exprimer à l’oral.
Nous avons décidé de garder le format des EC3 pour l’évaluation de cette expression orale. En effet, le temps de préparation de 10 minutes pour une expression orale en continu de 5 minutes, nous permet de pousser nos élèves à synthétiser leur prises de notes pour pouvoir s’exprimer sur un document inconnu de façon plus naturelle. Pour toutes nos expérimentations nous avons décidé de procéder de la même manière dans les 2 LV : LVA anglais et LVB espagnol ou chinois. Ainsi les méthodes travaillées étaient transférées aux deux langues, permettant aux élèves de se rendre compte que pour toutes les langues vivantes la méthodologie est la même !
Pour pouvoir atteindre notre objectif final en fin d’année de terminale, 3 étapes de travail en amont nous ont semblé primordiales :
- La confiance en soi
- La méthodologie de la description et de l’analyse d’image
- La prise de recul par rapport à ses notes
La 1ère étape : La confiance en soi
Nous savons tous que nos élèves polynésiens ont la particularité d’avoir « honte » lorsqu’ils doivent s’exprimer à l’oral devant un public. Les collègues des différents groupes de travail ont tous travaillé un peu cette problématique de la confiance en soi pour l’oral. En effet, si nos élèves n’ont pas confiance en eux, ils perdront leurs moyens devant leur public. Il nous a semblé important de travailler avec nos élèves sur la mise en confiance d’abord face à un public restreint. Nous avons décidé de développer l’entraide et les encouragements de leurs pairs. Les élèves étaient placés en petits groupes de 4. Les élèves étaient chacun à leur tour orateur. Pendant qu’un élève présentait le document iconographique inconnu les autres co-évaluaient leur camarade. Une grille d’écoute leur avait été donnée qui leur demandait de donner un point positif, un point à améliorer et un conseil à l’orateur.
Après chaque présentation orale le petit groupe discutait et échangeait de façon très productive et bienveillante. En effet, nous avons pu remarquer que les élèves étaient très respectueux entre eux et prodiguaient de bons conseils à leurs camarades. Le fait de les pousser à donner un élément positif d’abord, les a encouragés à voir les qualités de leurs camarades.
2ème étape : La méthodologie de la description et l’analyse d’image
Dans un deuxième temps, nous avons décidé entre collègues de LV des étapes à respecter pour qu’un élève puisse présenter tous les éléments essentiels lors de la description d’image pour pouvoir ensuite fournir une analyse du document.
Nous avons voulu rendre visibles les processus mentaux que nous mettons en place automatiquement lorsque nous sommes face à un document. Nous avons donc créé un « structure strip » où nous avons listé chaque étape de réfléxion face à un document inconnu.
Nous avons ensuite découvert une vidéo présentant l’enseignement « explicite » (La formation continue des enseignants) qui nous a permis de présenter la méthode du «structure strip » de façon explicite :
1– l’enseignant fait l’exercice de réflexion à haute voix devant la classe : ex : « je regarde l’image entière, je remarque … le lieu… le moment de la journée… les personnes… , ensuite je regarde plus en détails tel ou tel élément… cela me fait penser à… j’imagine que… » Pendant ce temps les élèves écoutent et suivent la réflexion en même temps.
2- C’est un nouveau document iconographique et c’est en groupe classe que l’on reprend le processus ensemble, comme démontré précédemment par l’enseignant.
3– C’est un nouveau document et les élèves seuls ou en petits groupe font l’exercice de la même manière en s’aidant du «structure strip » pour présenter le document.
Cette façon de procéder a beaucoup aidé les élèves qui se sont rendus compte parfois qu’ils vont trop vite dans l’analyse et ne prennent pas le temps de bien observer le document afin de voir tous les petits détails qui permettent d’émettre des hypothèses qui seront ensuite bénéfiques pour l’analyse du message de l’auteur. La fiche «structure strip » leur a servi d’appui dans la préparation de leur brouillon.
3ème étape : La prise de recul par rapport à ses notes
Pour cette dernière étape, nous voulions pousser les élèves à réduire la quantité d’écrit sur leur brouillon. En effet nous avions dès le début remarqué dans tous les groupes d’expérimentations d’ailleurs que nos élèves se sentent souvent plus rassurés en écrivant tout ce qu’ils veulent dire sur le brouillon. Or, en format examen avec seulement 10 minutes de préparation, il est impossible de travailler le document et de tout rédiger.
Aussi nous avons décidé de leur remettre une feuille de brouillon au format du « «structure strip » soit un tier environ d’une feuille A4 en longueur.
Cette fiche de papier était pliée en 4 parties : « introduction, 1er argument, 2ème argument, Conclusion ».
Les élèves devaient se restreindre à ces petits espaces pour leur prise de notes. Nous voulions qu’ils visualisent les étapes et qu’ils se forcent à écrire que les idées clés pour chaque partie.
Cet exercice n’a pas été facile pour les élèves mais ils se sont pris au jeu. En LVA, nous avons poussé l’exercice plus loin en faisant travailler les élèves par binôme : ils devaient travailler sur un même document, préparer chacun leur brouillon, puis échanger leur brouillon avec leur camarade et présenter le document à partir des notes du camarade. Un exercice très complexe car il n’est pas évident de parler à partir des notes de quelqu’un d’autre cependant cet exercice a été très bénéfique car ils ont pu tester une nouvelle façon de prendre des notes et une autre façon de penser également. Suite à ces oraux, les élèves ont naturellement échangé sur leurs astuces, ils se sont entraidé et félicité naturellement.
Suite à ces différentes expérimentations, nous avons vraiment pu observer une cohésion du groupe, une entraide formidable entre élèves.
A la fin de l’année scolaire, notre établissement a fait le choix de faire passer les oraux de LV en respectant le format examen et avec un examinateur autre que l’enseignant de l’élève. Nous avons pu observer que les élèves de la classe étaient plus à l’aise, plus méthodiques, plus organisés dans leur réflexion. Le plus beau résultat s’est très clairement vu avec des élèves très timides qui en début d’année paniquaient à l’idée de s’exprimer à l’oral en langue. Ils ont appliqué les méthodes travaillées, tout au long des exercices, ils ont pris les conseils des uns et des autres et tout ce travail a payé car plusieurs d’entre eux ont eu 20/20 à cette épreuve de fin d’année.
C’est un travail de longue haleine, sur toute l’année mais comme tous les autres groupes d’enseignants, nous avons tous pu observer que les élèves ont besoin de méthodes, d’encouragement, d’entraînement pour pouvoir développer suffisamment de confiance en eux pour s’exprimer à l’oral de manière plus aisée en langue étrangère.
Alexandra Yvon, Patrick Chenoux et Catherine Ly Tsoi
Collège-Lycée La Mennais